Histoire, justice, mémoire : la reconstitution du génocide des Tutsi au Rwanda

Auteur d’un ouvrage sur les récits et les pratiques du génocide rwandais, Hélène Dumas, historienne, a été appelée à témoigner au procès de Pascal Simbikangwa, récemment condamné par la cour d’assises de Paris. Elle a accepté d’évoquer pour l’IHEJ les rapports qu’entretiennent les approches historique, judiciaire et mémorielle dans la compréhension des massacres de 1994.

Hélène Dumas a publié en mars 2014 Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, aux éditions du Seuil. Ce livre sur les récits et les pratiques du génocide de 1994 marque l’aboutissement d’une recherche plus large conduite à l’EHESS dans le cadre d’un doctorat. L’historienne a pour cela choisi de ne pas situer son travail à l’échelle du pays mais à celle d’une petite commune du nom de Shyorongi, située à quelques kilomètres au nord de la capitale Kigali.

Cette « micro-histoire » s’est nourrie des témoignages produits devant les Gacaca, ces instances de justice « participative» mis en place en 2001, qui ont, en une décennie, traité plus de 1 900 000 affaires et condamné près de 1 700 000 personnes. Elle a ainsi permis de se saisir des événements de 1994 à travers le récit et la parole des acteurs et de mettre à jour l’une des dimensions essentielles du génocide : l’intimité sociale, affective et topographique entre les tueurs et les victimes.

Sur la base de sa connaissance approfondie du système des Gacaca, Hélène Dumas a été appelée à la barre en tant que témoin de contexte au premier procès en France d’un génocidaire rwandais, l’ex-capitaine Pascal Simbikangwa, récemment condamné par la cour d’assises de Paris. Elle a tiré de cette expérience un certain nombre d’observations et de réflexions par rapport à sa pratique d’historienne et aux différentes « scènes » judiciaires du génocide : Gacaca, Tribunal pénal international pour le Rwanda, justice nationale rwandaise, justice de compétence universelle.

Une dimension judiciaire intimement liée à la dimension mémorielle du génocide, notamment incarnée par les cérémonies officielles organisées tous les ans au Rwanda. Au mois d’avril dernier, Hélène Dumas a ainsi assisté à la vingtième commémoration du génocide, observatoire privilégié du paradoxe qui caractérise la mémoire publique au Rwanda, partagée entre souvenir de la violence du passé et impératif de réconciliation nationale.

PDF  Lire l’entretien

f_multimedia  Écouter l’émission Hors-Champs, sur France Culture, avec Hélène Dumas