Pour une refonte de l’aide au développement

Au risque d’échouer sur une partie des Objectifs du millénaire pour le développement d’ici 2015, une réforme majeure de l’aide est nécessaire. Les propositions de Julien Serre, responsable d’un fonds fiduciaire multilatéral.

Plus de 1000 milliards d’euros ont été versés à l’Afrique depuis les années 1970. L’Union européenne, qui contribue pour moitié au budget de l’aide au développement des pays de l’OCDE, a déboursé plus de 53 milliards d’euros en 2010, tandis que la participation de la France mobilise l’équivalent de 0,5% de son PIB.

Malgré cela, le décollage économique des pays les plus fragiles n’a pas eu lieu, tandis que l’écart se creuse davantage entre ceux-ci et les pays riches. Si l’on ne peut en conclure que l’aide est inefficace, elle n’est cependant pas parvenue à assurer le développement de ces pays, ce que confirment plusieurs analyses qui n’ont pu établir de corrélation entre l’octroi de cette aide et la croissance économique.

Le 5 juin 2011, à Tokyo, ont été réaffirmés les engagements pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Pour atteindre une partie des objectifs d’ici 2015, une réforme majeure de l’aide au développement est nécessaire, fondée sur un nouveau mode de financement de l’aide, la mise en place de grands fonds multibailleurs et la revitalisation des institutions internationales.

Un bilan difficile à établir

Première difficulté : mesurer les bénéfices réels de l’aide. Les bailleurs internationaux comme les pays bénéficiaires se révèlent incapables d’estimer l’impact des contributions allouées. L’aide repose en effet sur un système encore fragmenté, caractérisé par l’absence de chef d’orchestre et la présence sur le terrain d’une foule d’acteurs.

En outre, l’aide au développement présente une série d’imperfections qui ne lui permettent pas à l’heure actuelle de répondre aux critères d’efficacité nécessaires : pratiques de corruption et de détournement, flexibilité limitée, faible optimisation des instruments utilisés, coûts programmatiques importants, défaut de bonne gouvernance et absence de réformes politiques…

A l’heure où les budgets de coopération sont victimes de l’austérité budgétaire, l’aide au développement fait désormais face au double péril d’un manque de réformes profondes pour en améliorer l’efficacité et d’une baisse en volume réduisant plus encore son impact. De quoi justifier d’aller plus loin dans les réformes avec la mise en place d’un financement moderne et innovant : la taxe sur les transactions financières.

L’architecture d’une réforme

Ce nouveau mécanisme permettrait de générer des financements élevés, additionnels, tout en réduisant la fragmentation liée aux multiples mécanismes de prise de décision actuels. Les montants levés seraient à même d’aider à atteindre aussi bien les OMD que les besoins de financement en infrastructures et les biens publics mondiaux.

Ces ressources seraient recueillies par un fonds fiduciaire global, comportant différents tiroirs gérés par un nombre réduits d’acteurs multilatéraux et dont les modalités de mise en œuvre et de gouvernance seraient orientées par le G20, le FMI, la Commission européenne et les banques multilatérales de développement. Cette configuration permettrait de réduire les coûts de gestion provoqués par la fragmentation et le manque de coordination actuel de l’aide.

Ce fonds concentrerait ses priorités autour de trois grands axes pour mieux prendre en compte les enjeux liés aux réformes politiques et démocratiques : « Sécurité et Etat de droit », « Développement et gouvernance » et « Biens communs ».

Les effets de cet effort de concentration seraient renforcés par l’amélioration continue de l’ingénierie financière permettant d’optimiser la palette d’outils disponibles (dons, assistance technique, prêts bonifiés, garanties…), associés pour apporter aux pays bénéficiaires l’offre la plus adéquate.

Une partie seulement des revenus générés par cette taxe pourrait être allouée à l’aide au développement, le reste étant utilisé à soutenir le système financier international et à réduire l’endettement de nombreux pays du G20. En cela, elle constitue sans doute l’une des plus importantes innovations dans l’économie internationale depuis les accords de Bretton Woods.

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