Veille d’actualité du Forum de la Justice pénale internationale I Mai 2016

La veille d’actualité du Forum de la Justice pénale internationale 

Mai 2016

  • Sénégal, procès Habré

 

Le 30 mai 2016, les Chambres africaines extraordinaires à Dakar ont rendu leur verdict à l’issu du procès de l’ex-dictateur tchadien Hissène Habré, accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre, viols et torture commis lors de ses années au pouvoir au Tchad (1982-90). C’est une peine à perpétuité qui a été prononcée.

Le procès publique aura s’est tenu sur sept mois durant lesquels 96 témoins et experts ont été entendus, 56 pièces à conviction et 2 500 procès-verbaux d’auditions ont été versés au dossier. Les 3 juges africains estiment qu’il a été prouvé que l’ancien président « concentrait tous les pouvoirs » et dirigeait « une entreprise criminelle commune qui avait érigé en mode de gouvernance la pratique massive et systématique de la torture, les enlèvements, les détentions inhumaines et les viols ». Habré a été reconnu coupable d’avoir lui-même violé, à quatre reprises, Khadija Hassan Zidane (venue témoigner au procès). Le jugement revient aussi largement sur le rôle de sa police politique, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), dont sept membres ont été condamnés au Tchad à la perpétuité, et dont la découverte des archives en 2001, dans le sillage des premières plaintes de victimes à partir de 2000, avait été une des premières sources de l’instruction. Le quotidien français Le Monde a qualifié l’affaire de « tournant pour la justice en Afrique ». Le procès et le jugement ont été largement reconnus comme un succès mais bénéficiant d’un contexte qui ne sera pas forcément aisément transposable ou reproductible. Il n’en reste pas moins un formidable exemple de ce que peut apporter de positif une procédure davantage ancrée dans le droit de la civil law.

La décision et les motivations écrites seront prochainement publiées et une nouvelle série d’audiences se tiendra dans les semaines qui viennent au sein des Chambres afin d’évaluer les dommages et intérêts à attribuer aux parties civiles et aux autres victimes. Selon la FIDH « il est maintenant nécessaire de clarifier la procédure et les délais de présentation des demandes des parties civiles. De même, le fonds au profit des victimes prévu dans le Statut n’est pas encore opérationnel, alors que les Chambres africaines extraordinaires ne seraient pas amenées à perdurer au-delà d’un possible appel ».

Human right watch, dont on connait le rôle actif dans cette affaire, a mis en ligne un blog sur le procès (https://www.hrw.org/fr/tag/Hissene-Habre ) et annonce des suites au travers d’un rapport qui mettra en lumière les zones d’ombre du soutien de Paris au régime Habré.

Sources : Le Monde, HRW, FIDH

 

  • France, compétence universelle

-Le second procès tenu en France au titre de la compétence universelle à l’encontre de suspects rwandais, Tito Barahira et Octavien Ngenzi, s’est ouvert au TGI de Paris le 10 mai 2016.

Outre celle, plus lacunaire, des médias d’information généraliste (Libération, Le monde,…), la couverture de l’événement est assurée notamment « dans un soucis de neutralité et d’indépendance » par l’association française pour la promotion de la compétence universelle, fondée par Elise Le Gall. Le site de l’association publie quotidiennement compte-rendu d’audiences, synthèse hebdomadaire, revue de presse. https://competence-universelle.org/

Impliqué dans le procès, le collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) assure également, comme il l’avait fait pour le procès Simbikangwa, une couverture approfondie et journalière sur son site http://www.collectifpartiescivilesrwanda.fr/
Les deux accusés Dans l’affaire dite des « disparus du Beach » [du nom du débarcadère fluvial de Brazzaville, où des dizaines de personnes qui avaient fui la guerre civile au Congo ont disparu à leur retour d’exil en mai 1999], la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a tenu le 13 mai une séance de débats juridiques sur la demande d’annulation par le général Norbert Dabira, inspecteur général des forces armées congolaises, de son interrogatoire du 5 décembre 2014. les parties civiles, représentées notamment par l’Association des familles des disparus, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) ainsi que la procureure générale Bernadette Anton-Bensoussan ont rejeté la demande du général Dabira puis plaidé pour la poursuite normale de l’instruction.
Décision sera rendue le 3 juin. Source Le monde et FIDH

 

  • Cour pénale internationale :

 

  • Le 2 mai 2016, la Présidence a constitué la Chambre de première instance VIII qui sera en charge de l’affaire Le Procureur c. Ahmad Al Faqi Al Mahdi et la chambre IX qui sera en charge de l’affaire Le Procureur c. Dominic Ongwen.

Le 30 mai, la Chambre IX a annoncé que les déclarations liminaires seront entendues à partir du 6 décembre 2016. Dans cette dernière affaire, l’autorisation d’interjeter appel par la défense avait été rejetée le 29 avril 2016 par une majorité des juges de la chambre préliminaire II, le juge Marc Perrin de Brichambaut ayant émis le 10 mai une opinion partiellement dissidente sur la troisième question portant sur l’insuffisance de motivation de la décision de confirmation des charges. Un point important, qui fera l’objet d’une analyse sur le site du Forum en juillet, car de nature à limiter le rôle des chambres préliminaires. https://www.icc-cpi.int/RelatedRecords/CR2016_03314.PDF

  • Ahmad Al Faqi Al Mahdi, un Touareg malien poursuivi pour la destruction en 2012 de mausolées appartenant au Patrimoine mondial de l’humanité à Tombouctou, est le premier accusé de la CPI à vouloir plaider coupable et demander pardon. Les audiences s’ouvriront le 22 août. Source AFP-Justiceinfo.net
  • Le 21 mars dernier, la CPI avait condamné Jean-Pierre Bemba, l’ancien chef rebelle du nord de la République démocratique du Congo (RDC) pour des crimes commis en 2002 et 2003 en Centrafrique. Ce jugement constituait une première pour cette institution à deux titres puisque l’accusé a été reconnu coupable en vertu du principe de la « responsabilité du commandant » et pour l’utilisation de viols et violences sexuelles en tant que crimes de guerre. Trois jours d’audience de détermination de la peine se sont tenus mi- mai pour entendre les réquisitions du ministère public, qui a demandé une peine minimale de 25 ans, et les plaidoiries de la défense qui ont tenté de convaincre les juges de prononcer la peine la plus basse possible.

Les conclusions orales dans le procès Bemba, Kilolo et al. (Procès annexe à l’affaire principale ci-dessus, qui porte sur des subordinations de témoins) s’ouvriront le 31 mai 2016. Source CPI

  • Soudan, Omar el-Béchir

 

Le président soudanais Omar el-Béchir, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) depuis 2009, s’est rendu le 7 mai à Djibouti pour assister à la nouvelle cérémonie d’investiture du président Ismail Omar Guelleh, réélu en avril, sans être appréhendé par les autorité du pays, Etat-membre de la CPI. Omar el Béchir, s’est également rendu à Kampala le 12 mai pour assister à la prestation de serment du président Yoweri Museveni, là encore sans être appréhendé. Ces manquements ont été condamnés par la chambre préliminaire II qui a rappelé les deux Etats à leur obligation dans deux décisions rendues le 17 mai (https://www.icc-cpi.int/CourtRecords/CR2016_03479.PDF )

 

  • Syrie :

 

Au moins 60 000 personnes sont mortes en cinq ans dans les prisons du régime de Bachar Al-Assad, le plus grand nombre dans la prison de Seidnaya (14 456 morts, dont 110 enfants) et dans les centres de détention des services de renseignement de l’armée de l’air et de la sécurité de l’Etat, a affirmé, le 21 mai, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

Le Groupe international de soutien à la Syrie réuni le 17 mai dans la capitale autrichienne n’est pas parvenu à garantir un cessez-le-feu ou l’acheminement de l’aide humanitaire pour les villes assiégées (seize par le régime, deux par les rebelles). Plusieurs obus ont été tirés par l’armée syrienne sur l’emplacement où les habitants de l’enclave de Daraya, un bastion de la rébellion, en banlieue de Damas, s’étaient rassemblés dans l’attente du convoi humanitaire. Depuis le début de l’année, seulement 250 000 personnes ont pu être ravitaillées, sur un total de 410 000 personnes vivant dans des zones assiégées. Fin mai, des fiefs du régime ont de leur côté été touchés par une série d’attentats revendiqués par l’Etat Islamique, faisant 148 morts.

Source : Le monde

 

  • Tribunal spécial pour le Liban

 

Le parti chiite libanais, le Hezbollah, a annoncé le 13 mai que son chef militaire Moustapha Badreddine, principal accusé du procès sur l’attentat contre Rafic Hariri, dont le procès se tient actuellement par contumace devant le Tribunal spécial pour le Liban a été tué près de Damas en « martyr ». Dans un communiqué laconique, le TSL a pris note de l’annonce sans « être en mesure de faire de commentaire » à ce stade.

Les réquisitoires et plaidoiries en l’affaire d’outrage visant le journal Al Akhbar et M. Ibrahim Al Amin ont été présentés le vendredi 13 mai 2016.

Source : TSL

 

  • République démocratique du Congo :

 

Le 11 mai, la Cour constitutionnelle a autorisé Joseph Kabila à se maintenir à la tête de l’État au-delà de la fin de son mandat (le 19 décembre) en cas de report de l’élection présidentielle. Le 19 mai, la justice congolaise a annoncé l’ouverture prochaine d’un procès pour atteinte à la sûreté de l’État contre l’opposant Moïse Katumbi, candidat déclaré à la succession de Kabila. L’arrêt du calendrier électoral, craint par les opposants et les chancelleries occidentales, bien qu’encore non officiel, semble se confirmer, faisant glisser le pays vers un « retour dans la zone de turbulences politiques ».

A 60 kilomètres au nord-est de Béni, dans la province du Nord Kivu déchirée par les conflits, 17 personnes ont été tués dans une attaque à la machette.

Source TV5- Le monde – Radio Okapi.

 

  • République Centre-Afrique :

 

Le Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide, Adama Dieng, est venu à Bangui à l’occasion du lancement, le 17 mai, du Comité national sur la prévention du génocide, des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et toutes formes de discrimination. Source MINUSCA

A Bangui, François Hollande annonce la fin de Sangaris. Environ 300 hommes resteront sur place pour sécuriser l’aéroport M’Poko et participer à la formation de l’armée.  Source Pharos.

 

  • On nous a également signalé les ressources et rapports suivant :

 

  • Le Bilan mitigé de la FIDH pour la 58ème Session ordinaire de la Commission africaine en cette année africaine des droits humains

(https://www.fidh.org/fr/plaidoyer-international/union-africaine/commission-africaine-des-droits-de-l-homme-et-des-peuples/bilan-mitige-pour-la-58eme-session-ordinaire-de-la-commission )