Que peut attendre un juge de la philosophie ? Ce séminaire propose aux professionnels du droit un panorama des débats philosophiques autour de la justice. Chaque séance sera consacrée à une pensée ou à un livre présenté par un philosophe, auquel réagira un praticien de la justice.

Dates : du 11 janvier 2016 au 30 mai 2016 de 18h à 20h
Lieu : École Nationale de la Magistrature 3 ter, quai aux fleurs 75004 Paris
Inscription obligatoire auprès de contact@ihej.org

Programme

11 janvier 2016 │ « La nature de la décision judiciaire » de Benjamin Cardozo
Intervenants │ Gwénaële Calvès, professeur de droit public et Guy Canivet, membre du Conseil constitutionnel, Premier président honoraire de la Cour de cassation.
« Que fais-je lorsque je tranche un litige ? Quelles sont les sources d’information vers lesquelles je me tourne pour guider mon jugement ? Quelle est la part de création dans la décision de justice ? Comment se réconcilier avec l’incertitude ? » Telles sont les questions que se pose Benjamin Cardozo, grand juge de common law, sur son activité quotidienne dans « La nature de la décision judiciaire », paru en 1921.

25 janvier 2016 │ L’éthique du care et la décision asymétrique chez Carol Giligan
Intervenante │ Vanessa Nurock, maître de conférences en philosophie politique à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne et Anne Caron-Deglise, Présidente de chambre à la Cour d’appel de Versailles
Le principe d’impartialité est au cœur de l’approche philosophique de la justice. La philosophie du care considère l’attention à l’autre, différent ou vulnérable, comme un  principe fondateur de justice qui irrigue l’œuvre de Carol Giligan, philosophe et psychologue américaine. Ces deux approches sont-elles conciliables ?

8 février 2016 │ La part des émotions dans la décision de justice selon Martha Nussbaum
Intervenants │ Solange Chavel, philosophe à l’université de Poitiers,  et Nicole Maestracci, membre du Conseil constitutionnel, auparavant Première présidente de la Cour d’appel de Rouen.
Le juge doit-il écarter l’émotion pour rendre sa décision, comme le serment des jurés invite les jurys à le faire ? Martha Nussbaum défend une thèse audacieuse qui est celle de la place nécessaire des émotions dans la décision de justice et invite les juges à être des poètes.

22 février 2016 │ L’approche économique de la décision de justice du juge Richard A. Posner
Intervenants │ Samuel Ferey, professeur d’économie à l’université de Lorraine et Alain Lacabarats, président honoraire de chambre à la Cour de Cassation.
Une décision de justice est-elle prévisible ? Cette thèse est l’enjeu de nombreux travaux qui se réfèrent à une approche économique du droit, dont le juge fédéral Richard A. Posner est l’une des grandes figures. La composition des cours de justice, le genre et la couleur des juges, l’heure de passage du justiciable devant le juge, l’impact du passage des faits divers au journal télévisé du soir sur les verdicts des cours d’assises sont autant d’exemples de ces travaux qui ont pour point commun ce que l’on a appelé la « révolution des anticipations rationnelles des décisions ».

7 mars 2016 │ Le tragique de l’acte de juger
Intervenants │ Pierre Judet de la Combe, helléniste, directeur d’études à l’EHESS et Antoine Garapon, Secrétaire général de l’IHEJ.
La décision de justice comporte une dimension dramatique, il s’agit souvent de choisir entre des principes d’égale valeur, le juge peut être conduit non pas à choisir le bien mais le moins pire. La dernière tragédie d’Eschyle, les Euménides, interroge ce qui permet la coexistence de citoyens dans une cité au travers du procès d’Oreste, coupable d’avoir tué sa mère.

21 mars 2016 │ Le jugement dans la tradition philosophique : regards croisés
Intervenants │ Julie Allard, philosophe, directrice du centre de droit public de l’université libre de Bruxelles et Antoine Garapon, Secrétaire général de l’IHEJ.
Comment la tradition philosophique a-t-elle pensé le jugement judiciaire ? Quatre noms s’imposent : Kant, Hannah Arendt, Dworkin et Paul Ricœur, qu’évoqueront ensemble les deux intervenants de cette séance.

4 avril 2016 │ Le conséquentialisme
Intervenants │ Olivier Chassaing, doctorant en philosophie et Ludovic Fossey, vice-président chargé de l’application des peines au Tribunal de grande instance de Paris.
Les réformes pénales de la fin du XVIIIème siècle ont posé des grands principes qui structurent toujours le droit pénal contemporain : légalité, proportionnalité et individualisation des peines, présomption d’innocence, droits de la défense… Des interrogations nouvelles viennent pourtant discuter ces principes, notamment au sein de la justice de l’application des peines, où la décision est de plus en plus évaluée au regard de ses résultats. Le juge doit-il tenir compte des conséquences de sa décision ?

30 mai 2016 │ La justice des crimes de l’histoire
Intervenants │ Magali Bessone, maître de conférences en philosophie politique à l’Université de Rennes 1 et Joël Hubrecht, responsable du programme justice pénale internationale à l’IHEJ
La justice des crimes de l’histoire peut-elle nous permettre d’éclairer les questions posées à la justice pénale dans nos sociétés contemporaines ? Le thème de la réparation, qui est devenu le point commun des justices des mineurs en Europe, est également présent dans la justice de l’application des peines. Quel est l’enjeu de la justice restauratrice ? Tourner la page ? Reconnaitre l’injustice commise ? Prendre au sérieux la demande des victimes ?

6 juin 2016 │ Le roman judiciaire
Intervenants │ Denis Salas, magistrat, directeur des Cahiers de la justice, Sylvie Perdriolle, magistrate, chargée de mission à l’IHEJ.
Ian McEwan, avec « L’intérêt de l’enfant », s’est récemment emparé de la vie professionnelle de juges jusqu’ici peu présents sur la scène publique : celle d’un juge aux affaires familiales en Angleterre. Que nous dit ce roman de la justice contemporaine ? N’inaugure-il pas un genre littéraire nouveau qui interrogerait la difficulté de juger?