Elections des juges à la CPI : deux panels publient une évaluation des candidats

Six nouveaux juges seront élus au cours de la 13e session annuelle de l’Assemblée des Etats Parties (AEP) au Statut de Rome, qui aura lieu du 8 au 17 décembre 2014 au siège des Nations Unies à New York. Ils remplaceront les six juges précédemment élus en 2006 pour un mandat de 9 ans et prêteront serment en mars 2015.

Dans le cadre du processus de désignation des candidats par les Etats membres, deux procédures d’évaluation des qualifications ont été menées par des organes indépendants, qui ont récemment rendu publics les résultats de leurs travaux.

La Commission consultative pour l’examen des candidatures

Présidée par l’ancien président de la CPI Philippe Kirsch, l’ACN (Advisory Committee on Nominations of judges of the International Criminal Court, ou Commission consultative pour l’examen des candidatures au poste de juge de la Cour pénale internationale) s’est réunie le mois dernier afin de conduire des entrevues avec les candidats.

Composée de neuf experts possédant une compétence et une expérience reconnues en droit pénal ou international et qui siègent à titre personnel « sans recevoir d’instructions des Etats Parties, d’Etats ou d’autres organisations ou personnes », cette commission a été établie en 2011 conformément à l’article 36 du Statut de Rome, pour faciliter la désignation et l’élection des candidats les plus qualifiés, en garantissant qu’ils remplissent les critères énoncés par le Statut et dans le cadre d’une procédure d’évaluation objective.

Ce panel d’experts a récemment rendu public son rapport sur les qualifications des 17 candidats en lice pour devenir juges à la CPI en décembre prochain (29 septembre 2014). Réunie pour la troisième fois depuis sa création, c’était la première fois que la Commission évaluait un nombre aussi élevé de candidats.

Télécharger le rapport de la commission
La présentation détaillée des candidats

Le Panel indépendant sur les élections judiciaires

Dans le cadre de la campagne de mobilisation qu’elle mène à l’occasion de chaque élection judiciaire à la CPI, la Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI) procède également à une évaluation des candidatures, ce en vue de promouvoir « la désignation et l’élection des candidats les plus qualifiés grâce à des processus équitables, basés sur le mérite et transparents ».

La coordination d’ONG a ainsi mis en place en décembre 2010 un comité indépendant constitué d’experts de droit international (en particulier du droit international pénal, du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme) représentant les cinq régions du monde et les principaux systèmes juridiques, chargé d’évaluer les candidatures aux postes de juges reçues par le secrétariat de l’AEP et de déterminer notamment si elles remplissent ou non les qualifications requises par l’article 36 du Statut de Rome. L’objectif est également de « renforcer la transparence du processus » et de faire en sorte que les qualifications et l’expertise des candidats soient aussi connues que possible par le biais d’évaluations publiques qui puissent servir de source d’informations pour les Etats Parties.

En 2011, les membres du panel incluaient Richard J. Goldstone, ancien procureur général des tribunaux pénaux internationaux des Nations Unies pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ; Patricia Wald, ancienne juge en chef à la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du District de Columbia et ancienne juge au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ; Hans Corell, ancien juge de Cour d’appel, ancien sous-secrétaire général des Nations Unies aux affaires juridiques et conseiller juridique des Nations Unies ; O-Gon Kwon, juge et vice-président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, ancien juge en chef de la Haute Cour de Daegu ; Cecilia Medina Quiroga, directrice du Centre de droits de l’homme de l’université du Chili et ancienne juge et présidente de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Comme pour les précédentes élections, la Coalition a demandé cette année à tous les candidats de remplir un questionnaire fournissant des informations supplémentaires sur leurs qualifications. Elle a également mené au cours du mois de septembre 2014 des entretiens et organisé des séminaires, débats publics et panels de discussion enregistrés avec les candidats, au cours desquels ceux-ci ont pu ainsi exposer leurs motivations et leur expérience et répondu aux questions.

La procédure électorale

La nomination et l’élection des candidats aux postes de juges sont réglementées par le Statut de Rome, en vertu de son article 36 et des résolutions successives prises par l’AEP (télécharger le règlement). Chaque Etat peut présenter un candidat dès qu’une élection est organisée, selon la procédure nationale de présentation des candidatures aux plus hautes fonctions judiciaires en vigueur ou selon la procédure prévue par le Statut de la Cour internationale de justice. A savoir également qu’un candidat peut être présenté par tous les Etats Parties, et non pas nécessairement par le pays dont il est ressortissant.

Les candidatures sont accompagnées d’un document détaillé et de pièces justificatives montrant que le candidat présente les qualités prévues au paragraphe 3 de l’article 36. La période de présentation des candidatures, d’une durée de 12 semaines, s’ouvre 32 semaines avant le scrutin. Elle peut être prolongée de deux semaines si, à l’expiration de la période initiale, il n’y a pas au moins deux fois plus de candidats que de sièges proposés.

Dans le cas présent, la période de présentation des candidatures s’est déroulée du 28 avril au 20 juillet 2014. Cette période a été rallongée de deux semaines afin de permettre à la région Asie-Pacifique de respecter son nombre de votes minimum requis, c’est-à-dire de présenter deux candidats.

En effet, chaque élection judiciaire comporte un nombre de « votes minimum requis » (VMR) afin de garantir que l’ensemble des juges est représentatif des principaux systèmes juridiques du monde, reflète une représentation géographique équitable et respecte la parité entre les juges homme et femme. Conformément aux VMR de l’élection de 2014, devront être élus : deux candidats du groupe des États d’Europe orientale ; un candidat du groupe des États d’Asie et du Pacifique ; un candidat homme; deux candidats issus de la liste B.

L’article 36 du Statut de Rome stipule que les juges doivent être choisis « parmi des personnes jouissant d’une haute considération morale, connues pour leur impartialité et leur intégrité et réunissant les conditions requises dans leurs États respectifs pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires ». Par ailleurs, tout candidat doit posséder une compétence reconnue en droit et procédure pénale ainsi qu’une expérience pertinente devant les juridictions pénales (candidats de la liste A) ou une compétence reconnue dans des domaines pertinents du droit international tels que le droit international humanitaire et les droits de l’homme, ainsi qu’une longue expérience de juriste professionnel (candidats de la liste B). À tout moment, il doit y avoir au moins neuf juges de liste A et au moins cinq juges de la liste B.

Chaque État Partie au Statut de Rome dispose d’une voix. Le vote est à bulletin secret. Pour être élus, les candidats doivent avoir obtenu la majorité des deux-tiers des États parties présents et votants.

Seront élus par ailleurs au cours de cette session un nouveau président de l’AEP et deux vice-présidents, ainsi que 18 nouveaux membres du bureau de l’AEP et six nouveaux membres du Comité du budget et des finances (CBF).

Isabelle Tallec
Chargée de mission justice pénale internationale