La responsabilité pénale, 70 ans après les procès de Nuremberg

C’est dans la fameuse salle d’audience historique n°600 du palais de justice de Nuremberg, celle-là même où se déroula le procès des plus hauts dirigeants nazis encore vivants entre 1945 et 1946, et à l’occasion du 70ème anniversaire de ce procès fondateur de la justice pénale internationale, que l’Académie internationale des principes de Nuremberg a organisé son évènement d’ouverture les 6 et 7 juin 2015. L’IHEJ y était représenté pour soutenir le lancement de cette toute jeune académie qui s’appuie sur ce moment fondateur, le premier et le plus ancien procès pénal international, pour poursuivre son objectif : « contribuer à assurer la paix au moyen du droit ».

L’Académie a été créée officiellement en novembre 2014 par la République fédérale d’Allemagne, l’État libre de la Bavière et la ville de Nuremberg, sous la forme d’une fondation de droit civil qui ambitionne de devenir un forum mondial consacré au droit pénal international. Pour son inauguration, elle avait réuni un panel de praticiens et analystes de la justice pénale internationale, avec notamment des représentants de la CPI et d’autres tribunaux internationaux, ainsi que diverses universités et organisations européennes.

La cérémonie d’inauguration a été ouverte par le ministre fédéral des Affaires étrangères, Frank‑Walter Steinmeier. Bernd Borchardt, le directeur de l’Académie, a pris ensuite la parole, soulignant que « le tribunal de Nuremberg est un monument et une preuve du besoin, porté par la justice pénale internationale, que les responsables des crimes les plus graves répondent de leurs actes ».

Ouvrant de nouvelles perspectives du point de vue de la loi, de la morale et de l’éthique, le procès historique de 1945-46 pouvait apparaître comme le fruit d’un consensus interculturel visant à consacrer « la paix par la loi ». Face aux crimes actuels, commis dans un contexte radicalement différent, l’Académie internationale des principes de Nuremberg se donne pour mission de perpétuer ce besoin de justice pour faire comparaître les plus hauts responsables coupables de crimes devant la justice.

Bien sûr, imposer aux criminels – ou présumés tels – de rendre des comptes n’est pas une tâche aisée comme l’a rappelé Miguel de Serpa Soares, secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et conseiller juridique de l’ONU. Des gouvernants et parfois même des populations touchées par la guerre craignent que le désir de justice complique la négociation de cessez-le-feu ou d’accord pour mettre rapidement fin au conflit. En réalité, il y a un lien direct entre la justice et la paix internationale : c’est ce message que souhaite défendre et diffuser l’Académie.

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Au-delà du consensus sur les principes issus du tribunal de Nuremberg, les confrontations d’idées et les propositions faites par les participants à l’occasion des débats qui ont suivi les discours inauguraux témoignent de la nécessité de favoriser les échanges et les discussions sur ces thèmes. Si le Juge Theodor Meron, aujourd’hui président du Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux a rappelé les progrès réalisés depuis 1945, beaucoup reste encore à faire sur la question des droits de l’homme par exemple.

Dans la mise en pratique des principes issus des procès de Nuremberg, dans l’accessibilité du droit à tous, face au problème de la trop grande sélectivité de la justice pénale internationale et notamment de la CPI, le système juridique international doit s’améliorer. La protection des témoins, les ressources de la CPI, la coopération des États selon le principe de complémentarité sont d’autres domaines où de nombreux obstacles doivent être encore surmontés. Bientôt la justice pénale internationale arrivera à un nouveau carrefour historique avec la fin des mandats de nombreux tribunaux internationaux ad hoc. Face à un potentiel déficit de juridiction, qui laisserait la CPI en première ligne et plus isolée qu’avant, le travail de l’Académie paraît encore plus crucial.

De façon concrète, de nombreuses missions lui incombent. La réputation et la portée de la voix des membres de l’Académie devraient lui permettre d’attirer l’attention de la communauté internationale sur les atrocités les moins médiatisées. D’autre part, la construction d’alliances entre les juridictions régionales, comme la Cour africaine des droits de l’homme, nationales et internationales peut être une mission soutenue par l’expertise de l’Académie. Elle pourrait également œuvrer à la conjonction entre capacité et volonté juridictionnelle au sein des pays pour la mise en œuvre de la justice pénale internationale. De nombreux États manquent encore en effet de l’une ou de l’autre pour y participer pleinement.

Hélène Calame
Chargée de mission Justice pénale internationale