Quels dispositifs pour lutter contre la délinquance financière ?

La première séance du séminaire « Droit, marchés et globalisation » pour l’année 2013-2014 a été consacrée aux dispositifs de lutte contre la délinquance financière, à partir notamment de l’analyse des nouvelles pratiques des autorités américaines mises en lumière dans l’ouvrage Deals de justice, récemment publié aux éditions PUF sous la direction d’Antoine Garapon et et Pierre Servan-Schreiber.

Dans un ouvrage collectif paru récemment (Deals de justice, PUF, octobre 2013), Antoine Garapon et Pierre Servan-Schreiber, accompagnés de cinq coauteurs, analysent les nouvelles pratiques des autorités américaines, qui usent à la fois de la force du marché américain et de la menace du procès pénal pour faire plier les entreprises soupçonnées de participer directement ou de se rendre complices d’irrégularités financières. Forcées de coopérer, celles-ci doivent mener des enquêtes internes, dénoncer leurs propres manquements, négocier des sanctions souvent considérables et prendre l’engagement de mettre en place des procédures de contrôle interne très strictes, dont un moniteur indépendant se porte garant. Cette façon de faire semble avoir le mérite de l’efficacité. Les banques, en particulier, sont placées sous une surveillance très étroite et mesurent toujours mieux les risques judiciaires et économiques attachés à la fraude.

Mais ce nouveau système de deals de justice déplace également vers l’entreprise une série de contrôles et de mesures de répression qui étaient autrefois du ressort des pouvoirs publics ou de l’institution judiciaire. Que faut-il penser de ce nouveau système, où l’efficacité économique paraît rejoindre l’impératif de moralisation des affaires ? Est-ce le modèle sur lequel il faudrait désormais développer la mobilisation globale contre le crime organisé, le blanchiment, la corruption ou l’évasion fiscale ? Quelles sont les alternatives, en France et en Europe, et pour quels résultats ? Ce système peut-il s’appliquer également dans des pays comme la Chine, la Russie ou le Brésil ?

Christian Chavagneux introduit la séance en présentant l’ouvrage Deals de justice, qui décrit un nouveau mode de régulation de la mondialisation, une nouvelle manière d’organiser ou de créer des rapports de force entre États et marchés, même si la séparation n’est pas évidente. C’est une justice par la transaction, par le deal, « dealatoire » comme le dit le livre. Il cite des cas de corruption, de liens avec des pays inscrits sur la liste noire des états-Unis… Est-ce là un moyen de mieux faire fonctionner l’économie de marché ? Un moyen de lutter contre les risques que font peser les grandes institutions bancaires (et contre le « too big to jail » protégeant leurs dirigeants ?) ?

Cette question pourrait être essentielle en ce qui concerne les paradis fiscaux. Pourrions-nous rêver de cette procédure pour les grandes banques françaises (UBS…) ? L’efficacité est certes là, mais des questions se posent…

Table ronde animée par Christian Chavagneux, rédacteur en chef de L’Economie Politique et rédacteur en chef adjoint d’Alternatives Economiques, en présence d’Antoine Garapon, secrétaire général de l’IHEJ, de Pierre Servan-Schreiber, avocat associé, Skadden, Arps, Meagher, Slate & Flom, et de Gilles Favarel-Guarrigues, chargé de recherches, CERI/CNRS.

> Télécharger le compte-rendu de la séance

> Écouter l’émission 3D Le Journal, présentée par Stéphane Paoli sur France Inter, en présence le 15 décembre dernier de Pierre Servan-Schreiber, Daniel Soulez Larivière et Astrid Mignon Colombet, co-auteurs de l’ouvrage Deals de justice : le marché américain de l’obéissance mondialisée.