Héritage de l’administration coloniale, l’appareil judiciaire indien ploie aujourd’hui sous sa charge. David Annoussamy, juge honoraire en Inde, dresse, dans ce décryptage, les défis auxquels la justice indienne est confrontée et suggère d’éventuelles solutions.
Si, dès la période de l’Inde ancienne, le juge jouit d’un grand prestige, abondamment relaté dans la littérature sanscrite et tamoule, l’organisation actuelle de l’appareil judiciaire indien est un héritage de l’administration coloniale britannique, tout comme le statut du juge et la codification des lois appliquées.
Dans ce décryptage sur le fonctionnement de la justice en Inde, David Annoussamy, juge honoraire en Inde, passe en revue les principaux défis auxquels la justice indienne est actuellement confrontée, notamment l’explosion démographique et le recours de plus en plus fréquent aux juridictions non officielles, tels que les mécanismes traditionnels de résolution des conflits qui tendent davantage, aux yeux du justiciable, à éviter les litiges ou à en faciliter les solutions.
En outre, beaucoup d’affaires qui devraient être portées devant les juridictions subordonnées, sont soumises directement aux cours supérieures, sur la base de la violation d’un droit fondamental quelconque, et produisant un encombrement sans précédent des juridictions. On compte maintenant 50 000 affaires pendantes devant la Cour suprême dont 20 000 attendent depuis plus de cinq ans, 4 millions dans les Cours supérieures et 27 millions dans les juridictions subordonnées. Associée à l’augmentation de la corruption parmi les juges, cette lenteur fait perdre confiance dans la justice et incite le gouvernement à mettre au point des institutions alternatives.
Un certain nombre de mesures rationnelles seraient susceptibles d’assainir la situation : collégialité des juridictions à tous les niveaux, redéfinition des compétences de manière à alléger le travail des juridictions supérieures, réduction des voies de recours, nomination de juges bien choisis, maîtrise de l’entrée au barreau de façon à limiter le nombre des avocats, regroupement des juridictions spécialisées, révision des règles de preuve et de procédure, rationalisation du mode de travail des juges etc…
Ces changements, pour désirables qu’ils soient, n’ont pas de chances d’aboutir dans l’immédiat. D’une part, ils exigent des moyens financiers que peu sont prêts à investir malgré toutes les protestations de considération pour la justice. D’autre part, chacune de ces mesures a ses opposants farouches pour des raisons d’intérêt personnel. Enfin, dans le corps politique, la réforme judiciaire est un thème de discours mais pas une priorité pour une action efficace. Il est ainsi évident qu’une justice uniformément dispensée pour toute l’Inde n’est pas possible dans un avenir immédiat. Mais toute mesure qui se dirigerait vers ce but sans compromettre la justice du moment est à accueillir…
Photo : © World Bank / Curt Carnemark