SYNTHESE
INITIATION A LA PHILOSOPHIE POLITIQUE
Du 30 janvier au 3 février 2017
Menaces sur le jugement
Jugement judiciaire et jugement esthétique- Julie Allard
Qu’est-ce qui fonde le lien entre le jugement esthétique et le jugement juridique ? Kant a été l’auteur d’une critique de la faculté de juger qui met au centre de cette critique le jugement de goût. En quoi un jugement de goût permet le jugement en général ? Hannah Arendt propose une analogie entre jugement esthétique et politique : lorsque l’on dit « ceci est juste », il existe une analogie avec « ceci est beau ». L’acte de juger sert avant tout à faire la part des choses. Le jugement esthétique est donc politique dans la mesure où il permet la discrimination.
La faculté de jugement esthétique commence par une subsomption : le fait de ramener une chose sous une règle. Le fait de mettre en relation l’objet et une règle plus générale permet de juger. Le jugement établit ainsi un rapport entre le particulier et le général. Kant distingue le jugement déterminant et le jugement réfléchissant. Le jugement déterminant permet de déterminer l’expérience. Par exemple, nous pouvons retrouvons l’idée de table et les tables 2 particulières. Le concept précède la réalité dans la mesure où on possède le concept de table avant d’identifier la table.
Le jugement est réfléchissant quand le concept n’est pas donné à la faculté de juger. Autrement dit, il n’y a pas de règle générale préexistante. La raison doit donc rechercher en elle cette règle qui lui manque. Il n’y a donc pas de détermination de la réalité mais un jugement de la réalité. Quand la faculté de juger est réfléchissante elle est aussi ascendante : elle part du particulier pour aller au général. On y retrouve donc une position éminemment subjective. Or, ce jugement subjectif doit valoir au-delà de lui-même ; c’est-à-dire qu’il doit pouvoir tenir lieu pour universel. Pour Kant, il existe une antinomie du goût : un jugement esthétique est particulier et n’est pas objectif, mais d’autre part il doit être partagé par tous. Or, il est possible de partager ce qui est subjectif : la prétention à l’universel est fondée dans la mesure où elle est réfléchissante, avec trois niveaux de contrainte : je dois être convaincu du critère autonome de mon jugement (qui ne soit ni influencé par un préjugé ni par un intérêt), reconnaître en les autres la faculté de juger (reconnaissance d’un sens commun) et reconnaître le principe d’universalité. Le jugement ne se limite donc pas à l’arbitraire.
Le jugement est l’angle mort du droit, on parle d’application du droit ou de décision du juge. Chez Kant il y a donc l’idée de concevoir ce qu’est réellement le jugement en tant que tel, au-delà de sa dimension mécanique.
La disparition du jugement esthétique- Danièle Cohn
C’est autour du jugement déterminant et réfléchissant que tout se noue.
Kant, dans sa troisième critique, ne s’attèle non pas tant au jugement qu’à la faculté de juger. Cassirer, dans son livre sur les Lumières, s’inscrit dans cette filiation. Il existe deux domaines dans lesquels la relation entre particulier et général ne fonctionne pas : l’esthétique et la téléologie. Pour Kant « « Le jugement de goût est un jugement esthétique , c’est-à-dire un jugement qui repose sur des principes subjectifs et dont le principe déterminant ne peut être un concept , ni par conséquent le concept d’une fin déterminée. »
Kant part de l’esthétique pour arriver à l’artistique. Le jugement artistique peut a priori s’établir de manière claire : on peut reproduire la théorie de Newton mais pas l’Iliade et l’Odyssée. Le jugement artistique est opératoire, discutable, tient compte de l’historicité et constitue un réservoir de règles qui permet de juger des oeuvres ultérieures. Le sujet kantien n’est pas empirique, il n’a pas d’épaisseur, il est transcendantal. C’est un sujet qui est une forme, amenant ainsi à des jugements de pure forme. Ainsi le jugement « c’est beau » n’est pas un jugement de goût, il est totalement vide de contenu, complètement désintéressé. Il touche à ce que l’on peut appeler l’ « intime conviction », qui est vide de toute articulation à un canon. Il met l’universel au début et donc le retrouve à la fin (ce contre toute tentative relativiste). C’est avec le jugement que l’on peut distinguer le bon goût du mauvais goût. Courbet, à l’encontre de cela, dira que le bon goût est le résultat de l’histoire, du social, et qu’il veut pouvoir faire du laid.
La disparition du jugement esthétique est liée à la disparition de l’étude sensible du sensible. Dans la construction d’une expérience, le rapport du particulier au général doit admettre qu’il existe de l’universel. Le jugement réfléchissant est une prétention à l’universel. Le sens commun a quelque chose de sensible. « Celui qui déclare une chose belle estime que chacun devrait donner son assentiment à l’objet considéré et aussi le déclarer comme beau. » §19. Il fonde donc une communauté sensible a priori. « Ce n’est donc que sous la présupposition qu’il existe un sens commun… qu’un jugement de goût peut être porté. » § 20. Le juge est donc un homme d’expérience, et c’est grâce à cette expérience qu’il va pouvoir affiner son jugement, jugement qui est comme un couteau qu’il faut aiguiser.
La règle ne préexiste pas au jugement réfléchissant : il s’agit pour le jugement réfléchissant de montrer en quoi il peut accoucher d’une règle valide (permettant de concevoir chaque être singulier comme porteur de l’universel). Nous pouvons prendre à cet égard l’exemple du tailleur qui va aboutir à ce qu’il dit lorsqu’il a taillé un costume sur mesure : « Ca tombe juste ! ». Avec l’oeuvre nous sommes du côté de de la relation et du rapport, non de la substance. L’art réflexif va jouer sur l’aura. A cet égard on se réfèrera notamment aux réflexions de Walter Benjamin sur L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, où il affirme que les oeuvres issues des techniques de reproduction de masse, notamment l’imprimerie et la photographie, ont contribué à la déperdition de l’aura propre d’une oeuvre unique, désincarnée par sa reproductibilité et sa déclinaison dans d’infinis sous-modèles. Se pose dès lors, par analogie, la question de la disparition de l’aura du droit comme oeuvre, qui a pour origine la faculté du jugement esthétique.
La décision politique et le jugement – Bruno Bernardi.
Il existe un rapport entre la décision et le jugement qui recoupe la politique et le droit. En pensant à partir de la révolution française, le juge applique la loi émise par le souverain. Ce modèle est remis en cause actuellement. La décision politique et le jugement juridique s’éclairent l’un l’autre.
L’influence du latin a été déterminant pour le droit moderne, y compris anglo-saxon. Le jugement dérive du jus dicere : dire le droit. Les romains se rapportaient à leur expérience de laboureur pour prendre la bonne décision, la décision raisonnable, sachant que la déraison, le délire, veut dire « sortir du sillon ». La décision du jugement relève d’une autorité afin qu’elle ait un effet. La déclaration du droit n’est pas subjective : elle énonce un droit qu’il faut reconnaître. Bien juger, c’est se conformer à la justice qui découle du droit et non l’inverse dans le droit romain. D’autre part, dire le droit, ce n’est pas faire le droit.
L’idée commune du jugement vient du droit, mais la pratique cognitive est au centre du jugement. D’autre part, la pratique juridique traverse la frontière entre droit et politique dans la mesure où le droit est édicté par le politique et que le juge doit interpréter le droit. La question est dont liée à la manière de juger et à la question de la norme par rapport à laquelle se réalise le jugement.
Bodin participe à la fois de l’émergence de la modernité politique et juridique, en se faisant le défenseur du légicentrisme et de la modernité. En qualifiant la souveraineté royale d’absolue, il affirme que la volonté du Roi est déliée. La question de l’obligation n’est pas liée à la contrainte mais au consentement. Les sujets ont donc une volonté libre et autonome. L’assujetissement est ainsi lié à la constitution du sujet : c’est le paradoxe de la souveraineté. Pour Bodin, les lois sont l’oeuvre du bon plaisir du prince, entendu non comme arbitraire mais comme bon jugement. Les bonnes raisons relèvent davantage des lois naturelles et de Dieu que du savoir et des techniques. La rationalité de la décision vient alors des lois de la nature et de Dieu.
Une décision politique est un acte de langage qui a des effets sur le réel, avec une volonté qui obéit à une autre. L’autorité du jugement ne s’appuie pas directement sur l’autorité politique mais sur la loi qui est une médiation. Ce qui obscurcit la façon de concevoir l’ordre juridique, c’est son lien avec le politique, y compris dans la forme mimétique entre le jugement et la décision. Il est sans doute nécessaire de réinsérer la notion de sens commun qui a à la fois une origine politique et cognitive.
La justice prédictive – Antoine Garapon
Nous assistons depuis quelques années à la volonté de mettre fin au jugement et au droit, comme l’atteste l’article « The death of rules, standards and judging », de Casey et Niblett. Leur idée est la suivante : pour régler le comportement des gens, on a des règles et des standards. Or ces règles ne sont plus efficaces à l’heure des algorithmes. Les big data et l’intelligence articifielle permettent de traiter des cas particuliers. Aujourd’hui, continuer de régler la circulation avec les feux rouges est obsolète : un feu rouge dans la nuit ne sert à rien s’il n’y a personne. Il faut rationaliser la technique en l’individualisant. Il faut des micro-directives, par exemple en informant le conducteur à quelle vitesse il doit rouler. Il faut réguler la vitesse en fonction de plein de paramètres (âge du conducteur, nombre de passagers, âge de la voiture, heure du trajet, environnement extérieur, etc.). Nous pouvons retrouver aussi cela en droit fiscal : les messages du droit fiscal ne sont pas assez clairs, or avec des micro-directives personnalisées le droit fiscal serait optimisé.
Cela demande une prédiction enrichie et une possibilité de communiquer avec les différents individus. La responsabilité médicale est un autre exemple : la règle de la prudence ne peut être connue que s’il y a déjà eu faute. Or il faut coordonner les règles du savoir médical, la personnalité du médecin, etc. pour que la micro directive puisse dire si l’on peut opérer ou pas. Les algorithmes permettraient de pallier les défaillances humaines. La volonté politique consiste à toujours optimiser la vie et à la prolonger. L’homme n’est pas perfectible alors qu’une machine est en constante évolution par accumulation d’expérience. L’autre argument en faveur des algorithmes est de ne pas avoir de préjugés. L’intuition, même si elle est vraie, n’est pas objectivable, contrairement à ce que fait le robot.
Aujourd’hui, les français ont tendance à respecter davantage la décision d’un algorithme que celle d’un juge. Le numérique est un espace qui reconfigure le rapport au pouvoir, au temps et au sujet qui modifie notre perception. Néanmoins, à travers cette dimension technique il y a une représentation idéologique qui se calque sur Law and economics. Toutes les évidences de cette utopie numérique reposent sur le confort, le désir, des pulsions de vie qui ne sont ni des sentiments moraux ni des sentiments politiques. Dans ce nouvel espace, il n’y a plus de tiers et un équivalent général qui est l’algorithme. Il n’y a plus d’espace entre le pouvoir et le sujet, mais une idée d’optimisation et d’intensification du monde. Le tiers n’est plus symbolique mais algébrique.
Code is law : du cognitif au normatif- Bertrand Warusfel
De quelle manière la technique peut éviter ou repousser le jugement ? Est-ce que le jugement n’est pas faussé par la technique ? Si l’on part de « Code is law » de Lawrence Lessig, le cyberespace comporte son propre régulateur qui menace les libertés : le code, c’est-à-dire l’architecture qui façonne le cyberespace. C’est le code qui détermine qui peut voir quoi. Au départ le code est ouvert mais il peut évoluer vers des formes fermées. La technologie est neutre mais la façon dont elle est organisée a des conséquences. L’utilisateur ne voit pas la technologie mais ce que la technologie donne à voir. Les règles sont d’autant plus contraignantes qu’elles sont implicites. Il est ainsi question d’insérer la loi dans le code. Il n’y a pas cependant d’opposition : le « code is law » suppose « law is code ». La loi va par exemple imposer aux techniques une protection des données personnelles. Dans le code de la voiture par exemple il y aura l’obligation de respecter la loi (par ex. s’arrêter au feu rouge). Il s’agit de rendre les normes plus efficaces en les autonomisant.
La technique sert d’abord à éviter les litiges, donc le jugement. Il existe une sorte de mille feuilles juridique : une couche de droit pour protéger, puis une couche de technologie pour protéger le droit, etc. Avec la technique, on assiste à une déjudiciarisation. Beaucoup de résolution des litiges concernant le numérique se fait désormais en ligne, notamment via l’INPI qui offre une résolution des litiges grâce à des experts. La mise en oeuvre des décisions de l’expert est ensuite directement opérationnelle (via la technique). Le règlement des litiges numériques va maintenant au-delà de la simple sphère du numérique (comme par exemple la grande distribution). Un des risques est notamment une surveillance généralisée et une justice à deux vitesses : une qui serait automatisée et l’autre où le justiciable aurait droit au contradictoire, à l’individualisation de la décision, etc. Il existe de plus en plus d’outils techniques qui sont censés aider la décision judiciaire. A terme, il est possible que les conclusions juridiques soient directement rentrées dans les bases de donnée. D’autre part, il est possible que l’on assiste à une dématérialisation des procès qui peuvent dès lors devenir totalement publics. On peut imaginer que la technologie aide à déterminer les faits, mais est-ce que les outils numériques peuvent qualifier juridiquement les faits ? Non, en dernière instance c’est le juge mais avec l’aide de la machine. En ce cas, la technologie numérique va encore plus que l’expert déterminer la décision du juge. Autre risque : celui de l’insécurité numérique. Pour éviter les dérives et appuyer sur l’irréductibilité du jugement, il faut partager et fonctionner en collégialité, dans la mesure où à l’origine le droit est une médiation.
Penser les algorithmes – Jean Lassègue
Marcel Gauchet parlait du désenchantement du monde. Nous pouvons désormais parler de désenchantement de l’Etat. Clastres parlait de sociétés contre l’Etat, avec pour fondement une religion qui était caractérisée par une dépossession. Elles font tout pour ne pas prendre en compte leur propre innovation (c’est la faute des dieux). D’autre part, les jeunes sont marqués par la torture sont une forme d’écriture. Tous les hommes sont égaux, le chef a la parole pour maintenir la paix. Ils sont en guerre perpétuelle. C’est à partir du moment où certains hommes sont l’oreille des dieux que se fonde la hiérarchie : émerge alors l’Etat avec la thésaurisation.
L’écriture est au départ une pratique comptable. L’avènement de l’Etat marque une forme de désacralisation de la société. L’avènement de la société digitale marque le désenchantement de l’Etat. C’est la fin du tiers terme garant. Les violences prennent ainsi une forme nouvelle. La révolution digitale repose sur une révolution graphique : numérisation, programmation, accès. La numérisation est une discrimination des flux physiques, mais elle a aussi une dimension sémiotique dans la mesure où elle catégorise. Le codage rend des phénomènes divers complètement homogènes. La programmation traite les suites des nombres grâce à des instructions. Les données et le programme sont des suites de nombres qui ne permettent pas à l’ordinateur de faire la distinction entre le contenant et le contenu.
Dans le langage humain, le sens des mots n’est jamais fixé. Socialement, nous dépendons maintenant d’une classe de scribes. Nulle n’est censé ignorer la loi si on est capable de la lire. L’informatique est une révolution qui s’inscrit dans la longue histoire de l’écriture.
Le prédictif est égal au déterminisme qui est égal au calculable. L’instrument mathématique majeur du déterminisme est la fonction qui donne toujours un résultat unique. Turing, en 1936, imagine une machine qui intègre les fonctions calculables. Il y a cependant un déterminisme non prédictif en physique, comme l’a montré Poincaré, un chaos irréductible. L’ordinateur n’est pas un objet naturel mais artificiel, il ne peut donc pas reproduire le chaos qui réside dans la nature (Il reproduira par exemple toujours le même mouvement de balancier alors qu’il est impossible de reproduire ce mouvement dans la nature). Les langues évoluent selon des normes qui ne peuvent pas être prévisibles.
La lex cryptographia – le cas de la blockchain- Benjamin Jean
L’histoire de la blockchain débute en 2008 avec le livre blanc sur la blockchain par Satoshi Nakanoto. Elle naît avec le Bitcoin, monnaie qui est intéressante comme médiation de confiance, notamment pour les Etats faibles où la monnaie n’est pas garantie. Le Bitcoin repose sur la blockchain, un très grand cahier que tout le monde peut lire et sur lequel tout le monde peut écrire mais qui ne peut s’effacer. Ses trois caractéristiques principales sont : la désintermédiation, la sécurité et l’autonomie. Le chiffrement de la blockchain permet de dire qui a fait quoi. A effectue une transaction vers B, plusieurs transactions sont regroupées dans un bloc validé, B la reçoit. Le problème réside dans le fait que la blockchain demande beaucoup d’énergie et un espace de stockage important. Plus de 50% des mineurs sont chinois : on retrouve donc le risque que l’autorité centrale de la Chine rassemble ces mineurs et falsifie la blockchain, mais ce serait suicidaire car cela détruirait la confiance.
Les smart contracts sont des programmes conçus pour exécuter les termes d’un contrat de façon automatique lorsque certaines conditions sont réunies. Le potentiel des smart contracts est davantage entre les mains des machines qu’entre celles des humains : c’est l’internet des objets. Une voiture peut de façon autonome aller se faire laver, aller au parking et revenir chercher son propriétaire en ayant entre temps contracté avec le lavomatic et l’entrée de parking. La répercussion sur l’office du juge est principalement la réduction du nombre de contentieux et les problèmes de responsabilité.
Le jugement comme expérience de pensée – Vincent Lefebvre
Hannah Arendt a toujours été méfiante vis-à-vis de la philosophie politique. Elle dénombre quatre infirmités de l’action : l’imprévisibilité, l’illimitation, l’irréversibilité et la fugacité. La fabrication d’une table, donc, n’est pas une action, c’est une fabrication. Les philosophes depuis Platon veulent s’évader de la pluralité du politique et considèrent que celle-ci est une fabrication. Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, c’est-à-dire ceux qui ont la légitimité de commander et les autres. Le philosophe est plus contemplatif qu’actif.
La réflexion décisive de Arendt sur le jugement est le procès Eichmann. Pour elle l’absence de pensée qui le caractérise est son incapacité à se mettre à la place de l’autre. Son incapacité à parler (toujours par répétition), mais aussi le fait qu’il soit dépourvu de tout mobile sont aussi caractéristiques de cette absence. Dans La vie de l’Esprit, elle pose le constat de l’effondrement de la morale telle qu’on la connaissait (tradition ou recherche libre). C’est en essayant de retrouver chez Platon un Socrate qui ne soit pas platonicien qu’elle essaye de trouver une référence lui permettant de repenser le rapport à la morale. Pour Arendt, la solitude est le propre de la pensée, où l’être humain est son propre compagnon. L’esseulement, au contraire, ne suppose aucune compagnie. L’exercice de la pensée suppose toujours qu’il y a des limites à ce qu’on peut faire et ne pas faire. Dans La vie de l’Esprit elle écrit : « Quand tout le monde se laisse emporter sans réfléchir, ceux qui pensent sont obligés de sortir de leur trou, car le refus d’entrer dans la danse est flagrant et se transforme en une espèce d’action. »
Penser nécessite de s’engager dans un jeu d’action et de réponse, qui part d’une destruction des idées établies. Le jugement permet de faire le lien entre la vie de l’esprit et l’action. Juger est possible, comme le font le magistrat et l’historien. La peur du jugement est en règle générale la peur de la responsabilité. Arendt établit un lien entre le point de vue du juge et celui du spectateur, sachant que le spectateur et le juge s’inscrivent dans la pluralité. Le fondement du jugement est donc intersubjectif.
La disparition du jugement à l’aune du management – Thibault Le Texier
Le management moderne naît en 1880, avec une cohérence qui est développée par des individus comme Taylor. Les quatre principes du management sont la rationalisation, qui accompagne la production de mesures objectives, le savoir, qui va être rationalisé, la dépersonnalisation, qui suppose que les individus sont interchangeables, et le principe d’organisation, qui suppose que le réel peut toujours s’adapter. L’environnement peut être changé pour faire travailler les individus.
Les indicateurs doivent permettre de lire et voir si les objectifs sont bien remplis, tandis que l’efficacité devient le critère ultime de la décision. Cette dimension est naturalisée maintenant mais avant cela pouvait être la prouesse technique, l’honneur, la stabilité, etc. Les personnes qui vont élaborer le management sont des ingénieurs qui ont commencé à travailler sur les humains. L’individu est une petite entreprise avec plusieurs capitaux qui doivent être rationalisés.
Le jugement et la dangerosité – Yves Cartuyvels
La pensée pénale classique arrive à la fin du XVIIIème siècle , avec une peine qui est liée au calcul, proportionnelle au crime ou au délit. Déjà à l’époque, on trouve certains éléments liés à la dangerosité, avec la question de la sûreté. Les individus dangereux ne sont pas de grands délinquants mais plutôt de petits qui viennent troubler l’ordre social. A la fin du XIXème siècle, le discours néoclassique va vouloir trouver la juste peine liée à une individualisation liée à la responsabilité morale des individus. Les positivistes, contre cette prise en compte de la subjectivité, vont affirmer que cela mène au laxisme. C’est la période des classes laborieuses – classes dangereuses. On retrouve trois fondements positivistes : la croyance dans la science (le rôle de la justice pénale dans sa capacité à se prononcer sur la dangerosité d’un individu). La peur de la dégénérescence liée au darwinisme social (Il faut éliminer les dégénérés), et enfin la lecture déterministe de l’homme : on passe de la responsabilité individuelle (culpabilité) à la responsabilité sociale (dangerosité). Le projet positiviste est de protéger la société contre l’individu, ce qui va de pair avec l’émergence de l’Etat social qui doit prendre en charge la garantie contre les risques. L’expertise devient un enjeu clé : il existe une expertise clinique et une échelle actuarielle des risques des individus à partir de laquelle on va pouvoir faire des pronostics. C’est l’expertise clinique qui va l’exporter fin XIXème début XXème (la fin du siècle est très freudienne). Les néoclassiques affirment qu’avec le projet des positivistes on assiste à la fin de l’Etat de droit.
La métamorphose du discours de la dangerosité aujourd’hui est marquée par l’introduction des valeurs de réhabilitation. Plusieurs magistrats dans les années cinquante ont fait l’expérience des camps de concentration, d’où cette réintroduction du discours humaniste. Dans les années 70 revient cependant le discours positiviste autour d’une pénalité du risque, avec quatre axes :
-Le retour d’une explication organiciste de la déviance (utilisation des neurosciences).
-La résurgence d’une vision biologique du crime.
-La multiplication des lois de dangerosité.
-La revanche des échelles d’évaluation actuarielles du risque : il s’agit de classer les individus en croisant les variables qui donnent une palette de statistiques. La fin du XXème siècle est marquée par un discours cognitivo-comportementaliste. Les échelles sont considérées comme plus objectives, mais les critères ne sont pas neutres. On passe par un profil mais pas par un individu. Les Big data effacent la personne dans un double sens : nous ne pouvons pas disparaître et nous sommes devenus un agrégat de données. Il n’existe plus de biographies.
Le jugement comme calcul rationnel – Sophie Harnay
L’analyse économique du droit consiste en l’utilisation des outils microéconomiques pour comprendre les comportements et décisions judiciaires. C’est une représentation complémentaire et non concurrente d’autres analyses. L’économie est la science des choix. Gary Becker est le premier à justifier d’une analyse des comportements « hors marché » (économie de la famille, du capital humain, du crime,…). L’application de la théorie du choix rationnel aux décisions judiciaires repose sur l’individualisme méthodologique, la rationalité individuelle (recherche d’un maximum de satisfaction), le juge est conséquentialiste (il est préoccupé des conséquences de sa décision). Richard Posner (Né en 1939) développe à partir des années 70 l’idée que les juges cherchent à maximiser l’efficacité économique et sociale. Ils ne le font pas toujours consciemment. D’autre part, le juge est maximisateur de son utilité individuelle, avec des objectifs monétaires (salaire, primes,…) mais aussi non monétaires (pouvoir, prestige,…). Les juges rendent des décisions qui changent parfois les pratiques commerciales et sociales. Les vérifications empiriques ont lieu surtout sur des juges américains.
On retrouve dans la décision du juge un biais d’ancrage, un biais de rationalisation, un biais d’égocentrisme, un biais de confirmation et un biais de disponibilité. L’approche de Law and economics a un sous bassement idéologique lié au néolibéralisme dans la mesure où l’objectif est l’efficacité économique. La justice se caractérisait avant par un temps long. Le temps devient désormais plus accéléré, c’est le plus rapide qui gagne. Il existe cependant des variations au sein de la justice, avec différents accommodements. Dans le secteur pénal, les juridictions se sont organisées pour aller vite (avec notamment un lien téléphonique direct avec la police). La logique est à la fois managériale et répressive. Il y a une sorte de travail à la chaîne. Le plus important est de prendre une décision sans la prise en compte des singularités et des suites des affaires. Se pose aussi la question de l’indépendance des parquetiers qui se retranchent derrière le collectif. Dans les affaires où il peut y avoir accord, la rapidité n’est pas un problème, au contraire, c’est le cas du juge aux affaires familiales où 90% des divorces ont lieu par consentement mutuel. Les menaces ne sont donc pas équivalentes, cela dépend du justiciable.
L’extension de l’arbitrabilité – Sabrina Robert-Cuendet
Nous assistons à une extension des litiges qui sont susceptibles d’être soumis à des arbitres. La France est plutôt en retrait par rapport à l’arbitrage. Le régime de l’arbitrage en France est très éclaté. L’arbitre devenant concurrent du juge étatique, la méfiance est plus politique que proprement juridique. Des traités qui visent à protéger les investisseurs étrangers permettent aux entreprises d’accéder directement à l’arbitrage (CIRDI). En droit interne il y a une réticence mais en droit international il y a une acceptation dans la mesure où la France a signé des traités qui supposent l’arbitrage. Le régime de l’arbitrage pour les personnes publiques sont donc très complexes et souvent lié à des opportunismes.
Quels sont les critères qui font qu’un litige va être arbitré ? Le critère international est important mais pas exclusif. Le curseur fondamental va être celui de l’ordre public : la question de l’intérêt national est à priori réservé et non soumis à l’arbitrage, mais il peut y avoir des exceptions par rapport par exemple aux contentieux fiscaux en matière internationale. Qu’est-ce qui motive les parties à aller à un arbitrage ? On retrouve une prédominance de l’autonomie des parties qui participent au procès. Ce serait aussi plus rapide, plus souple, avec des spécialistes et une compétence universelle. Quels sont les inconvénients ? Les juges sont privés, ils rendent la justice au nom des parties et non au nom de l’Etat. La personne morale publique est mise sur le même pied d’égalité que la personne privée. D’autre part, se pose la question de la légitimité de l’arbitre. Enfin, elle reste une justice de privilégiés. Il est nécessaire de repenser l’arbitrage afin qu’il ne soit pas en concurrence avec le juge étatique.
Juger, venger, pardonner – François Ost
Les faits de juger, venger et pardonner sont autant d’actions permettant de régler un litige et nous offrent une sorte de continuum. La vengeance serait un au-deçà du jugement, et le pardon un au-delà. Ces trois catégories ne sont pas strictement séparées, et sont représentées par des symboles comme le glaive, la balance et le bandeau.
Qu’est-ce que l’acte de juger ? Comme le montre Ricoeur, c’est le passage du duel au tiers : la société enlève aux individus le droit de se faire justice eux-mêmes. Cependant, la société garde une part de la violence qui présidait la vengeance. Il y a donc à la fois rupture et continuum. Juger signifie trancher afin de mettre fin à l’incertitude et à terme rétablir la paix civile. Le juge attribue alors la part qui revient à chacun. Il ne s’agit donc pas uniquement d’une paix au sens sécuritaire mais d’une paix positive où par le truchement du juge les parties se reconnaissent l’une l’autre. La vengeance, ou loi du talion, peut apparaître comme une violence sans limite ou un embryon de justice réglée. La vengeance procède de l’immédiateté et de la répétition. Le système vindicatoire appelle à réparer l’offense, à rétablir l’équilibre. Il s’agit alors de civiliser ce devoir de vengeance. Plus tard, l’idée vient que la peine n’est pas uniquement une réaction de la victime mais aussi de la société. Est-ce que la justice moderne est assez satisfaisante si elle se limite à la répartition ? Mauriac était très sensible au judiciaire, persuadé que la justice humaine est terrible lorsqu’elle n’est pas inspirée par la charité (réflexion inspirée par l’épuration d’après-guerre). Le pardon ne ramène pas à l’oubli, il oppose l’amour à la haine. On peut parler de « généreuse illégalité du pardon ». C’est un acte de mémoire et de rémission. Acte personnel, le pardon ne peut pas être public. Pour autant, il peut constituer un horizon régulateur. C’est quelque chose néanmoins que l’on peut retrouver en droit dans l’amnistie par exemple, ce qui n’est pas sans soulever des questions, certains comme Ricoeur parlant d’« amnésie institutionnelle » à son égard. D’autres avanceront qu’elle est une condition pour la paix civile, comme ce fut le cas en Afrique du sud avec les Commissions « Vérité et Réconciliation ».
Le procès est un évènement, ce n’est pas un processus, il va pouvoir créer d’autres évènements, il n’est pas dans la répétition.
La disparition du jugement aux Etats-Unis – Daniel Schimmel
Tous les justiciables aux Etats-Unis ont le droit d’avoir leur « Day in court ». Les plaignants ont le droit de tenter leur chance en justice, c’est-à-dire d’adopter un comportement agressif et onéreux vis-à-vis de l’adversaire même sans avoir de preuve. Le déroulé commence par le dépôt de plainte, ensuite c’est la requête en irrecevabilité. Il peut y avoir ensuite un jugement sommaire et un procès. Ce qui se passe en une après-midi de tribunal se passera en 15 jours aux Etats-Unis. Seulement 1,1 % des affaires vont jusqu’au bout, le reste se résolvant par la transaction. Le droit au jugement n’existe donc pas véritablement, notamment en raison du coût de la discovery. Sauvegarder les documents permet de montrer sa bonne foi. La procédure de discovery est régie par des normes très libérales (Les grandes organisations reçoivent entre 250 et 300 millions d’emails par an). Pour les juges américains, la discovery est la salle des machines du procès. Les parties transigent dans la grande majorité des litiges. Les tribunaux encouragent la médiation et l’arbitrage. La médiation se développe dès le début du litige. En conclusion, on peut dire que le jugement est une Cadillac qui sort rarement du garage.
Le développement de la transparence n’est pas assez adapté au développement des technologies.
Le pluralisme juridique contre l’Etat – Jacques Le Goff
Le pluralisme est pour Gurvitch un fait : la réalité est radicalement plurielle, et il en fait une valeur pour la démocratie. Les influences anarchistes, comme Proudhon, Bakounine ou Kropotkine sont très influents sur sa pensée. En Allemagne, il étudie Husserl et en France plus largement le droit et la sociologie. Il soutient en 1930 sa thèse L’idée de droit social. Il est considéré après la seconde guerre mondiale comme le pape de la sociologie. Il faut s’en tenir au réel qui dépasse le positivisme, notamment juridique. Il existe dans la réalité un invisible qui est au moins aussi important que ce qui peut se mesurer. Pour Gurvitch, il est possible de penser une socialisation sans étatisation. On retrouve l’émergence du droit social notamment avec les syndicats et les conventions collectives. La société ne se laisse plus dicter sa loi, elle produit elle-même le droit.
Le droit s’ajuste aux attentes de la société, comme c’est le cas de la loi des accidents du travail de 1898. Qu’est-ce que l’idée de droit social ? Cela relève de l’objectivité des faits, de l’individualité de chacun, sans qu’il ne puisse y avoir de fusion entre la société et l’Etat. Il est flagrant qu’il parle souvent de communion pour parler du social. Le fait normatif est un fait qui recèle en lui un potentiel à donner lieu à du droit. D’autre part, le droit social est interpersonnel : l’individu doit être reconnu sans se faire absorber par la masse. Ensuite c’est un droit pluraliste qui doit parvenir à un juste équilibre. Le droit social est lié à l’autorégulation. En définitive, il est toujours nécessaire de concevoir l’Etat pour réguler les rapports entre les groupes afin d’éviter que le plus fort ne domine le plus faible. Pour Gurvitch, le plomb de la pratique peut devenir l’or du droit.
Il va s’intéresser à l’acte de juger : c’est là que se trouve la véritable expérience du droit dans la mesure où c’est là qu’il rejoint le fait. Le juge doit s’intéresser à la raison d’être de la loi : il met en oeuvre l’intuition du droit, c’est-à-dire l’intuition du juste. L’intérêt du pluralisme juridique tient à trois types de raisons : la volonté de reconnaissance par la société de sa volonté propre, le pluralisme politique au fondement de la démocratie libérale et sa capacité à révéler la nature réelle du droit.
Deleuze contre le jugement – David Lapoujade
Deleuze, dans son dialogue avec Parnet, disait qu’il préférait être balayeur que juge. Il avait cependant une passion pour le droit. Deleuze fait remonter jusqu’à Platon la question « De quel droit ? ». L’opposition de Deleuze à l’égard du jugement est interne à la philosophie, il est avant tout contre Platon et Kant. La définition que donne Kant de la pensée est « Penser c’est juger ». Or pour Deleuze, la pensée ne se réduit pas au jugement. Il est possible de penser, même sans juger. Penser c’est aussi modeler la réalité. Lorsque je pense, je construis une image du monde. En quoi consiste juger pour Deleuze ? Pour Platon, le politique est le porteur de hommes, or plein de gens prétendent occuper cette fonction. Il faut donc pour Platon un modèle qui permette de classer hiérarchiquement les individus, un tribunal. Le meilleur prétendant sera donc celui qui ressemble le plus au père qui obtient la main de la fille. Le cosmos témoigne de la justice des dieux, se soumettant à la forme du jugement. Cette philosophie du jugement va par la suite se muer en théologie. Il faut toujours ressembler au modèle, comme l’homme doit tendre à une ressemblance à Dieu.
Dans la philosophie moderne, les citoyens sujets sont censés obéir d’autant plus qu’ils sont législateurs. Dans son article « Pour en finir avec le jugement », Deleuze écrit contre le jugement au sens chrétien. Ce que le christianisme introduit c’est la notion de faute, fondé selon Nietzsche sur la dette. L’homme ne peut s’acquitter de la dette avec Dieu : on doit se juger soi-même coupable. Pour Deleuze, contre le fondement de la faute, il est nécessaire de reconquérir l’innocence, sur un devenir enfant. La logique ne doit plus passer par la transcendance mais par une immanence radicale. Il ne s’agit plus de juger des formes de vie mais d’évaluer des puissances de vie. Il s’agit d’augmenter la puissance de vie contre ce qui va à son encontre. Deleuze distingue deux sens de la limite : la limite extérieure dictée par la forme (de la loi, de la syntaxe,…) à partir de laquelle on juge ce que l’on fait et la limite intérieure, qui est liée à ce qu’on est capable de faire.
Camus au-delà du jugement – Agnès Spiquel
En 1939, à Alger, Camus est chargé de rendre compte de la justice coloniale, qu’il critique ouvertement. Jamais le meurtre d’un arabe par un blanc ne pouvait donner lieu à une peine capitale. Dans son roman L’Etranger, nous assistons à un jugement comme une pièce de théâtre. Il insiste sur la possibilité de l’erreur judicaire, notamment en ce qui concerne la peine capitale. Il y a dans sa pensée l’idée que l’homme n’est ni totalement coupable ni totalement innocent. La peine de mort est impossible dans un monde sans Dieu car il n’y a plus d’échappatoire et de possibilité de rétablir la justice dans l’au-delà. Dans son roman, Camus affirme que nous portons tous la perte. Pour Camus, le Christ est une figure de l’innocence, ce parce qu’il est né coupable. L’homme se sent coupable d’être vivant.
Jésus, se sentant poursuivi par la culpabilité, va au-delà de sa propre mort. Dans son premier essai, L’envers et l’endroit, les ténèbres et la lumière, sont pensés comme un équilibre des forces, comme une tension. « Nous portons tous en nous nos bagnes (…) mais notre tâche est de les combattre en nous-mêmes et en les autres. » L’équilibre n’est pas le juste milieu mais une tension extrême. Il existe une volonté des hommes de s’égaler à Dieu en étant capable de juger comme lui. L’enfer c’est le jugement de l’homme sur lui-même, jugement qui est différent de la critique. Dans La Chute, Camus montre que la tentative de sortir du jugement est vaine, il est toujours trop tard pour défaire la culpabilité. La sortie du jugement passe par une question radicale : il faut sortir de la morale abstraite. Qui est vertueux doit couper des têtes. Il faut accepter d’être jugé et ne plus juger. Paul Audi, dans son livre sur Camus, parle d’une éthique de non jugement. Il faut témoigner du réel, c’est l’oeuvre qui peut témoigner pour l’écrivain, à condition qu’elle ne soit pas l’objet du procès.
On ne sort du jugement que par l’amour, mais l’amour est silencieux. Se pose alors la question de témoigner du silence, et il trouve dans l’artiste le medium par excellence. Dans Le premier homme, il témoigne ainsi de l’amour qu’il porte pour les autres, ainsi que de la beauté. Dans son discours de Stockholm, il affirme qu’il existe une part de l’homme qui échappe à l’histoire. Il existe ainsi une poésie de son oeuvre, comme témoigne par exemple sa proximité avec René Char.
Bibliographie de la formation à l’initiation à la philosophie politique
Menaces sur le jugement
Première journée : Qu’est-ce qu’un jugement ?
Kant, Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Flammarion, 2000
Cassirer, Ernst, La philosophie des Lumières, Fayard, 1990
Cohn, Danièle, L’artiste, le vrai, le juste. Sur l’esthétique des lumières, Editions de la rue d’Ulm, 2014
Bernardi, Bernard, Qu’est-ce qu’une décision ? Vrin, 2003
Bodin, Jean, Les six livres de la République, Livre de poche, 1993
Arendt, Hannah, La vie de l’esprit, PUF, 2013
Lefebve, Vincent, Politique des limites, limites de la politique. La place du droit dans la pensée de Hannah Arendt, Editions de l’université de Bruxelles, 2016
Deuxième journée : Le jugement dépassé par la technique
Herrenschmidt, Clarisse, Les trois écritures : Langue, nombre, code, Gallimard, 2007
Clastres, Pierre, La société contre l’Etat, Les éditions de minuit, 2011
Gauchet, Marcel, Le désenchantement du monde, Gallimard, 2005
Lassègue, Jean, Turing, Les belles lettres, 2003
Sadin, Eric, La vie algorithmique : critique de la raison numérique, L’Echappée, 2015
Site internet sur la blockchain : inno3.fr/
Casey, Anthony J. and Niblett, Anthony, “The Death of Rules and Standards” (November 20, 2015). U of Chicago, Public Law Working Paper No. 550
Troisième journée : Le jugement de droit substitué par un jugement de fait 18
Le Texier, Thibaut, Le maniement des hommes, La découverte, 2016
Cartuyvels, Yves, Spectacle et justice : regards croisés sur la justice pénale belge, Lannoo, 2015
Harnay, Sophie, Posner et l’analyse économique du droit, Michalon, 2003
Bastard, Benoît, Justice ou précipitation, l’accélération du temps dans les tribunaux, PUR, 2016
Rosa, Hartmut, Accélération, La découverte, 2010
Quatrième journée : Le duel ou le tiers
Ost, François, A quoi sert le droit ?: Usages, fonctions, finalités, 2016
Le Goff, Jacques, Gurvitch, Le pluralisme créateur, Michalon, 2012
Racine, Jean Baptiste, Droit de l’arbitrage, PUF, 2016
Cinquième journée : « Ne jugez pas »
Lapoujade, David, Deleuze, les mouvements aberrants, Les éditions de minuit, 2014
Spiquel, Agnès, Albert Camus : L’expérience morale, Le manuscrit, 2006
Spiquel, Agnès et Gay-Crozier, Raymond, Camus, Cahier de l’Herne, 2013