Chronique d’une erreur judiciaire ordinaire, le documentaire « Presunto Culpable » est surtout une vraie réflexion sur la condition carcérale, la logique bureaucratique de l’action pénale et la fonction subversive de l’image. Décryptage d’un incroyable succès médiatique par Harold Epineuse, secrétaire général adjoint de l’IHEJ.
Un documentaire sur la justice mexicaine réalisé par un avocat et chercheur en politiques publiques mérite a priori toute notre attention. D’autant que le documentaire en question, avant de recevoir les honneurs de la profession, a connu – à la télévision comme sur les réseaux – un succès populaire dépassant en audience le niveau des plus célèbres telenovelas du pays.
Primé plusieurs fois de 2010 à 2012, et notamment aux Emmy Awards dans la catégorie meilleur journalisme d’investigation, « Presunto Culpable » raisonne comme un accident de parcours dans la production cinématographique mexicaine, peu habituée à voir un film de ce genre rivaliser avec les blockbusters d’Hollywood.
Soutenu par un réseau de salles de cinéma qui s’étaient risquées à en accepter la projection, voilà un documentaire qui finira par réaliser 7,5 millions d’entrées, pulvériser les records d’audience lors de sa diffusion télé, circuler de façon massive sur Internet tout en bravant une décision de justice interdisant sa diffusion. Un succès tel qu’une réforme du système pénal a dû aussitôt être engagée au Mexique sur le fondement des abus policiers et judiciaires patiemment documentés par la caméra et largement relayés par les écrans…
Mais quels sont donc les ingrédients de cette success story documentaire mexicaine ? Que contient au juste cette histoire pour soulever autant de passions dans son pays, et susciter l’intérêt au-delà de ses frontières ? « Presunto Culpable » ne se contente pas de dénoncer une injustice sur le bien-fondé de laquelle tout le monde s’accordera. Il réussit à nourrir une vraie réflexion sur la condition carcérale, la logique bureaucratique de l’action pénale, et la fonction subversive de l’image.
Ce n’est d’ailleurs pas en justiciable mexicain, mais en téléspectateur universel qu’il faut apprécier la portée de ce travail documentaire. A l’excès sans doute, l’histoire d’Antonio Zúñiga illustre les travers d’une justice confortablement installée dans sa routine, et dont les symptômes guettent les institutions bien au-delà du cas d’école qui nous est donné à voir ici.